Selon mes informations, l’origine de l’expression « poser un lapin » remonterait au XVIe siècle. En ce temps-là, quand une personne était empêchée et ne pouvait se présenter à un rendez-vous, la coutume exigeait qu’elle fît porter un poulet afin de s’excuser. Or, il advint un jour que Mademoiselle Cunégonde de Saint-Jacques – peut-être une de mes lointaines ancêtres – dût renoncer à rencontrer son amant pour un motif que l’histoire n’a pas retenu. N’ayant plus un seul poulet sous la main – car, en multirécidiviste accomplie du rendez-vous manqué, elle avait épuisé le contenu de sa basse-cour -, elle eut l’idée d’envoyer un lapin en lieu et place du volatile épistolaire. Las ! Le messager qu’elle manda refusa tout net de porter l’animal, considérant sans doute que cette substitution était contraire aux bons usages. Mademoiselle de Saint-Jacques dut donc se résoudre à porter elle-même son ersatz de poulet. C’est ainsi que son amant eut la surprise de la voir arriver au lieu du rendez-vous, poser son lapin devant lui et repartir sans un mot ni un regard. Et comme il est, comme chacun sait, beaucoup plus ardu de lire un lapin qu’un poulet, le pauvre homme ne comprit jamais ce qui lui était arrivé.
Monsieur JACQUES